La Fondation prend la parole à l'ONU.
À Genève, les 9 et 10 mars 2015, la Fondation et la Feantsa interviennent sur la question du logement.
La Fondation Abbé Pierre et la Feantsa se félicitent du rapport présenté par Leïlani Farha, Rapporteure Spéciale au Logement de l’ONU.
Ce rapport soulève un enjeu majeur, systémique, qui traverse tous les continents : la garantie du droit à un logement décent, dans un contexte où les compétences, le pouvoir d’agir, échappent aux Etats nationaux, signataires des traités garantissant les droits humains.
Comment continuer et même améliorer la protection des droits dans un contexte de responsabilités diluées ? Les forces centrifuges tirent les compétences nationales vers les puissances économiques, plus tempétueuses que jamais dans une économie mondiale ouverte, des structures supra-nationales qui encadrent l’activité des Etats, et des autorités locales et régionales, qui correspondent à la fois au développement politique de pôles de richesse économique, et à l’appétit croissant des êtres humains pour une plus grande maîtrise de leur destinée individuelle, une plus grande proximité dans les décisions politique qui les concernent. Les leviers de l’action publique ont donc largement échappé aux Etats, par l’extérieur, par le haut et par le bas.
Le droit au logement est souvent reconnu juridiquement.
Le logement fait l’objet de politiques publiques et de réglementation, que ce soit au niveau régional, national, continental. Pour autant les situations pointées par la Rapporteur Spéciale au Logement montrent à quel point les sociétés se désagrègent et les conditions d’habitat des catégories les plus défavorisées se dégradent.
Ce contexte de droit toujours plus protégé juridiquement et toujours plus dégradé dans la réalité fait peser une menace sur les Etats, s’ils ne sont plus en mesure de garantir les droits qu’ils ont reconnus et qu’ils perdent ce fondement téléologique de leur légitimité. Plus fondamentalement encore, c’est une menace pour l’Etat de droit, l’idée même de droits, de protections qui sont assurées dans un cadre pacifié.
Cette menace sur le droit, sur les Etats doit être renversée en opportunité. Le droit au logement, avec les autres droits humains fondamentaux, doivent devenir le socle régénéré des relations entre les différents niveaux institutionnels, entre ces acteurs publics et les acteurs de terrain, la recherche, l’organisation des moyens publics.
La Feantsa et la Fondation Abbé Pierre appellent à un rapprochement entre :
- les instances internationales : l’ONU et, pour l’Europe, le Conseil de l’Europe et l’Union Européenne,
- les Etats signataires des traités internationaux garantissant les droits humains fondamentaux
- Les régions et collectivités territoriales en charge des politiques publiques qui contribuent au plein exercice de ces droits
- Les acteurs de la société civile qui contribuent à lamise en œuvre des services et à la vigilance sur le respect des droits, de leur universalité, de leur indivisibilité.
Les droits ne sont pas seulement les boucliers des individus, ils sont aussi le lien entre ces différents acteurs.
Le droit au logement est affirmé par les traités internationaux et précisé par les décisions des instances juridictionnelles internationales. Ces décisions déterminent des obligations positives qui pèsent sur les Etats et qui les contraignent en termes de résultats (protection statutaire, accès à des conditions sanitaires minimales, etc.).
Les situations locales doivent être examinées, étudiées, à l’aune de cette obligation de résultat qui découle de la réglementation internationale des droits fondamentaux.
Les politiques publiques, doivent réorienter leurs moyens, et les opérateurs leurs actions, pour répondre aux décalages constatés entre les situations locales et le corpus d’obligations découlant du droit international. Il ne s’agit plus de « bien faire », mais de faire mieux, jusqu’à ce que la situation soit conforme au droit des personnes et aux engagements des Etats.
Les collectivités locales et régionales sont fondées à trouver assistance auprès de l’Etat signataire des traités internationaux qui engagent ces politiques publiques, pour réduire le décalage entre les situations constatées et les obligations qui découlent de ces traités.
Les structures internationales et les Etats sont fondés à organiser les espaces multi-latéraux, sur la base du respect des droits fondamentaux des personnes, ce qui demande d’en faire un instrument partagé d’évaluation des politiques publiques. Le respect des droits, en l’espèce du droit au logement, doit devenir le critère central d’évaluation de l’application d’accords internationaux. Par exemple, dans les règles de libre-échange, ou dans les politiques de convergence.
Chacun aura ainsi retrouvé une place par rapport aux autres. Les acteurs de terrains sauront au nom de quoi mener une action plutôt qu’une autre, les chercheurs sauront ce qu’ils recherchent, les politiques publiques des localités et des régions sauront au nom de quoi elles engagent leurs moyens. Les Etats seront mieux liés aux régions, aux citoyens, aux acteurs opérationnels, à la recherche scientifique, en affichant clairement leurs prérogatives au regard du droit : faire en sorte que les engagements soient tenus.
Les droits fondamentaux ne sont plus uniquement une affaire entre l’individu et l’Etat, mais aussi une affaire entre les collectivités publiques elles-mêmes, la société civile, le niveau international. Il est temps que les droits fondamentaux deviennent la nouvelle finalité de l’organisation opérationnelle des collectivités publiques et de la société civile.
Dans cette perspective nous soutenons et nous nous engageons à développer à hauteur de nos moyens, toutes les préconisations du rapport présenté par le Rapporteur Spécial, Leïlani Farah, qui proposent un langage commun, adapté à chaque niveau institutionnel, faisant du droit au logement un pilier de la reconstruction des relations entre institutions publiques.